reponse à tout ---- 06 Jun 2022
 

Si la publicité est le meilleur ami de l'homme, cela ne vous empêche pas de devenir un chien

 

Si vous ne vivez pas sur la Lune ou n'avez pas 100 ans, on partira du principe que vous êtes en proie aux vendeurs et leur placards numériques. Si vous avez 100 ans j'ai aussi une solution. Comme vous j'ai remarqué que les emballages des aliments se sont mis à bavarder de tous les côtés possibles. Fini la boîte de petits pois qui déclare Je suis des petits pois, avec une photo de petit pois et un texte expliquant qu'avec les petits pois il y a de l'eau et du sel. Désormais ça se met à raconter ce qu'il y a de spécial sur la provenance des petits pois et pourquoi leur goût est infini et pourquoi les petits pois sauvent en réalité le monde.

Pour vous monsieur, pour vous madame, j'ai la solution qu'il vous faut. Toutes les boîtes sont plongés dans un bain de chlorure de raclures que vous installez à la sortie des magasins, de préférence en double file, avec des roulettes en dessous, pour faciliter le retour à la maison mais n'importe quelle baignoire fera l'affaire. Pour les boîtes en carton et en plastique, des coups de cutter et c'est réglé. N'oubliez pas de trier convenablement. La nourriture d'un côté, les plastiques et les cartons par dessus l'épaule.

Pour les autres, qui en plus possèdent internet et smart phaunes, il y a des solutions techniques.

Le plus simple est d'installer un serveur qui filtre tout le trafic entrant chez vous et bloque systématiquement les vendeurs de publicité. Tout le monde sait cela et c'est très facile de mapper le système DHCP sur un point de filtrage statique, je n'entre pas dans le détails de cette implantation triviale.

Une fois fait, d'autres ennuis nous menacent.

Il faut que je raconte ce qu'il m'est arrivé après l'installation du filtre sur mon réseau local.

Il fallait s'en douter, les vendeurs bloqués par mon filtre ont tous reçu des nouvelles de moi. Ne pas voir la pub rend célèbre. Comme quoi bidule à telle adresse a empêché que la nouvelle de la marchandise puisse faire un pas jusqu'à l'ordinateur par lequel elle comptait apparaître et s'immiscer dans sa conscience.

Le lendemain de ce jour très calme où après m'être ouvert une boîte de petits pois sans étiquette j'ai pu voir tous les sites internet qui restaient quand on enlève la pub, c'est à dire en somme, quatre pages, sonne quelqu'un à ma porte.

  • bonjour c'est Le Pare-brise Kinoufo. Je peux monter ?
  • Mais, je ne sais pas si...
  • Ne vous inquiétez pas je suis devant votre porte
  • mais vous êtes entré comment ?
  • par la porte de l'immeuble comme tout le monde et là je rentre par votre porte avec votre clé, tout comme vous

Entre un type dans une salopette rouge avec un énorme logo Kinoufo devant, derrière et aussi sur la casquette. Il se plante dans l'entrée bras écartés dans la posture du mec qui va s'élancer d'un haut plongeoir.

  • puis-je savoir ce que vous faites chez moi ?
  • je viens pour la pub bien sûr
  • je ne suis pas intéressé et vos pieds me paraissent sales
  • je suis spécialiste en pare brise, mes pieds n'ont donc aucune importance
  • écoutez, je n'ai pas de voiture
  • cela n'a aucune importance car nous savons que vous connaissez au moins une personne susceptible de posséder une voiture dans un délai de un à six mois
  • qu'en savez-vous au juste ?
  • vous faites partie d'une cible privilégiée des hommes blancs d'un âge compris entre 20 et 50 susceptibles de connaître ou d'être eux mêmes à même de faire rouler des automobiles relativement neuves sur des routes gravillonneuses et de ranger soigneusement leurs chaussettes par paires et de les ranger dans un tiroir distinct de celui des slips, ce qui fait que vous devez voir la pub !

Un peu désemparé je lui dis qu'il me semblait bien avoir vue la publicité pour le pare brise Kinoufo, celle avec un type comme lui, qui disait je crois que Kinoufo était skinoufo.

Cela n'a pas marché. Il me regarda fixement, sourcils fronçés, m'expliqua que la publicité avait été livrée mais qu'elle leur était revenue, ce qui, après enquête auprès de la police de conformités numériques, a permis d'opérer la péréquation triangulaire du signal pour aboutir à mon appartement où donc il me répéta son plan de la faire, cette pub non délivrée, ici et maintenant, à défaut de quoi il était tenu par le contrat qui nous lie via les différents appareils numériques que je possède et les petites fenêtres pleine de textes au bas desquels j'ai signé comme quoi c'est OK, de procéder à une perquisition, qu'il devait par exemple prendre la Smart Tévé que j'ai achetée à vil prix en échange d'une libre circulation des produits Kinoufo, entre autres.

Alors je l'ai laissé faire. Il a chanté devant moi tout en faisant glisser ses mains à plat sur une vitre invisible et le numéro s'est fini par ses deux index pointés sur le logo rouge imprimé sur son torse, agenouillé devant moi, comme pour recueillir l'hostie, me disais je. Ensuite il est parti, comme il était venu sans dire au revoir ni rien.

Il m'a fallu laver tous mes tapis. Pourquoi la publicité pour Kinoufo arrive sans chaussures, les pieds recouverts de crotte, dirait-on, ou disons couverts d'une sorte de bouillie vaguement sanglante qui sent l'écurie et les excréments variés, nul ne le sait. Il n'y a que dans les avions de ligne, et encore, qu'on se préoccupe encore de fournir de bonnes chaussures aux employés.

Bref, je dis ça mais je n'ai bien sûr rien dit, pourrais-je conclure après un long développement sur toutes ces différentes personnes qui pourraient, si vous essayez de leur échapper, vous retrouver chez vous, avec autre chose que des pieds sales. Or cet exposé est concret, on en fera ce qu'on voudra mais j'aurai prévenu. Si vous voulez profiter d'internet il vous faut passer à la casserole d'une manière ou d'une autre. C'est pourquoi je propose d'affronter le problème de manière frontale plutôt que de le contourner. C'est assez simple en réalité, vous devez seulement programmer un routage systématique des publicités diffusées sur votre réseau local vers un téléphone portable innervé de toutes les connexions possibles et tous les consentements imaginables, puis isoler dans une base de données toutes les références de produits qui auront abouti dans cette poubelle afin d'en extraire une liste des noms commerciaux lesquels, en flux continu, sont tous transmis à une carte de votre région affichée chez vous sur un grand écran. De temps à autre, vous prenez votre téléphone poubelle et vous vous rendez en taxi, à cheval ou en trottinette électrique au abord de magasins où se trouvent qui les Kinoufo, qui les Kifaudrait et les autres et une fois sur place, faites comme moi, maraboutez.

Vôtre téléphone signalera aux cieux marchands que vous vous rapprochez physiquement de la cible et que de la sorte, votre valeur au monde augmente soudainement. Il est même assez probable que les forfaits que vous commettriez dans un certain rayon du produit pour lequel vous avez été sélectionné ne donneront lieu à aucune répression policière car toutes les bases de données du crime par non consentement et du crime par pauvreté sont maintenant croisées. Une personne qui volerait de quoi nourrir ses enfants sans avoir même été assez riche pour consentir à prendre connaissance des produits frelatés qui correspondent à ce que les cieux commerciaux attendent d'elle verra les foudres de Zeus la transpercer de part en part et devra passer par une enfilade de salles de tortures physiques et psychologiques en vue de sa réinsertion dans le flux normal des choses commerciales. Quant à vous, puisque vous écoutez de la musique classique en sirotant des vins qui valent deux ou trois heures de sueur de pauvre, vous n'avez que peu à craindre si vous commettez quelque forfait sur le chemin tout en n’ayant pas signifié votre consentement préalable, et vous ne risquez presque rien du tout si vous êtes dans le rayon du consentement. C'est là le secret du maraboutage que je propose.

Transformé en roi de ce monde par votre proximité physique avec le produit par la réclame duquel vous êtes arrivé là sur le parking de ce supermarché, au lieu d’aller faire autre chose d’inutile à la marche du monde, le moment arrive d’aller faire caca sur le trône. En terme concrets, il s’agit pour vous de vous rendre au plus proche du produit, dans le magasin même où il est exposé, d’éventuellement établir un contact physique avec lui, le caresser même si vous avez un peu de temps devant vous puis de sortir du magasin et renouveler ainsi l’opération pour tous les points sur votre carte. Débarrassez-vous des vendeurs attirés par votre attirance religieuse en leur montrant votre nombril. Vous vous retournez vers le vendeur, vous soulevez votre chemise, vous montrez votre nombril, vous proclamez que vous n’êtes pas un ange et voilà c’est fait.

Pour le reste, avisez vous de l'idée suivante. N'avoir pas acheté le produit élu après avoir vécu à moins d'un mètre de celui ci fait de vous un poisson qui non seulement se détache de son hameçon mais monte sur le bateau pour donner des claques au pécheur à grands coup de nageoire dorsale avant de replonger dans la mer. Le mal est fait du point de vue des satellites et des antennes relais. Un point négatif va remonter dans le ciel, repasser par les tuyaux dans l'autre sens, arriver sur l'ordinateur du responsable des pècheries et cela va clignoter sur tous ses tableaux de bord, il va y avoir des retraits de permis immédiats, des engueulades dans des grands bureaux à grandes baies vitrées, éventuellement une défenestration ou deux si en plus de travailler tard la femme du pècheur zélé a couché avec le boulanger qui a une belle baguette sous sa belle braguette. Passons sur ces éléments anatomiques. La bombe atomique c'est vous.

De retour chez vous, vous pourrez changer la couleur du drapeau sur votre carte du rouge au vert par exemple et ce sera tout jusqu'à la prochaine campagne de pêche.

De manière optionnelle, si vous sentez que le maraboutage que je propose ici est un peu léger pour le temps que vous avez donné, vous pourrez rester aux abords du magasin pour créer d'autres légères perturbations dans le flux habituel des choses convenues d’avance pour votre confort.

Vous pouvez par exemple, rester sur un pied devant un magasin, fixer quelque chose dans le ciel de manière prolongée, faire des sculptures avec des emballages carton, rester immobile sur le bord de la route avec votre vélo à la main si vous êtes à vélo, entreprendre des marches autour du magasin dans le viseur même des caméras qui assurent la sécurité des marchandises et ainsi de suite avec toutes les pitreries possibles qui ne portent atteinte à rien ni personne. Ces perturbations légères vont très probablement créer des accidents dans la tête de ceux qui ne s’attendaient pas à voir un clown tandis qu’ils allaient faire leur devoir de consommateur en tout bien tout honneur et de là des accidents tout courts, ce qui devrait normalement aggraver le cas des responsables de la pêcherie industrielle car les corrélations vont se faire dans les bases de données, il sera rapidement admis que non seulement les prospects ferrés depuis l’intérieur de leur smart tévé étant allé physiquement chez Kinoufo dans un délais de zéro à quatre semaines pour acheter un nouveau pare brise n’achètent pas de pare brise mais en plus de cela le taux d’éclatage de pastèques de consommateur non ciblé sur les pare brises existant aux abords du magasin physique dans un rayon de un à mille deux cent mètres est monté en flèche selon les relevés des compagnies d’assurance, obligé de faire remplacer qui un bout de cervelle qui coûte un bras, qui un oeil de consommateur accidenté, sans compter le retard pris dans la fermeture des hôpitaux et ainsi de suite.

Maintenant si vous avez un peu les moyens vous pouvez être plus créatif encore en achetant au contraire tous les produits que vous verrez, à l’exception bien entendu de ceux pour lesquels on pense en hauts lieux que vous êtes venu, et de proposer ensuite d’offrir le contenu du caddie de marchandises aux gens qui entrent dans le magasin ou, variante, l’ensemble des choses qui se trouvent en vitrine, s’il s’agit d’un petit magasin. Il s’avère qu’il n’y a que deux crimes possibles en la matière, entrer dans un établissement commercial avec le produit qui y est vendu et y entrer pour acheter uniquement ce qui est en vitrine. En procédant comme je le conseille, vous ferez des heureux, d’une part, d’autre part vous interdirez de facto l’entrée du magasin à ceux qui auront reçu un cadeau de vous et finalement vous allez très certainement augmenter le taux de glissade sur des peaux de bananes dans un rayon de zéro à cinquante mètres du magasins où des produits vus à la télé sont distribués gratuitement par un clown magnanime. Les algorithmes vont déterminer dans les jours qui suivent l’effet totalement néfaste de la campagne de pêche en pointant non seulement des séries de non achats mais une baisse considérable des ventes et un climat troublé aux alentours des échoppes, des primes d’assurance cotés en flèche et ainsi de suite.

Très bientôt si vous suivez bien mon conseil, vous ne recevrez bientôt plus que des publicités pour des avions privés, des montres de luxe, bref, toutes sortes de choses qui ne concernent normalement que ceux qui sont situés en haut de la chaîne publicitaire, c’est à dire ceux qui ne font pas leurs courses eux mêmes et bénéficient donc du ciblage par défaut. Mon expérience personnelle, quoique les commissariats soient assez mal éclairés et les explications difficiles à transmettre, démontre assez bien que c’est ce qui arrive. Monsieur Kinoufo n’est plus jamais revenu chez moi depuis que je montre mon nombril à des smart faunes et l’on me propose des contrats d’entretien pour ma flotte de jets privés, j’attends pour l’heure les offres de rachats de petites nations africaines avec possibilité de leasing sur les ressources fossiles.

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