correspondance ---- 15 May 2022
 

Non je ne souhaite pas être premier ministre.

 

Cher monsieur le président de la République,

J'ai bien reçu votre appel téléphonique et écouté avec toute l'attention possible, eu égard au respect que je dois à votre haute fonction, le long message que vous avez eu l'amabilité de laisser sur mon répondeur.

C'est non.

Je ne souhaite pas donner suite à votre proposition.

Je ne souhaite pas devenir le premier ministre de votre appareil exécutif. Je ne souhaite pas non plus participer à votre projet pour la France comme ministre de l'intérieur, des armées, de l'extérieur, des partie communes, des affaires moyennes, petites ou grandes, ni de près de loin, ni maintenant ni demain. Je compte sur vous, Monsieur le Président, pour ne pas insister.

C'est non.

Ce sera toujours non.

Nous allons devoir en rester là.

Nous n'aurons rien à nous raconter au coin du feu lorsque nous serons vieux. Nous n'aurons même pas de quoi dire que nous nous connaissions. Car nous ne nous connaissons pas et je ne souhaite pas faire votre connaissance. J'ai en effet ce projet pour la France qui est la mienne de ne jamais sympathiser avec le président de sa République, sous aucun prétexte. Certes, j'aime sortir et discuter, voir des gens différents de moi, recueillir des opinions différentes de la mienne et même, quand bien même j'aurais ce projet de sympathiser avec un homme tel que vous, ferais je sans doute bonne figure en commensal du prince si votre générosité républicaine devait m'amener à chevaucher en votre compagnie parmi les brumes matinales des forêts de Sologne alors que je n' aime ni les chevaux ni les matins de Sologne… mais mon bon naturel et mon sens courtois ne suffiraient pas à dissimuler mon aversion pour les présidents de la République d'une manière générale et pour vous en particulier. Comme vous je ne suis ni de gauche ni de droite, je suis bi, c'est-à-dire que je déteste que ce soit la droite que ce soit la gauche, avec cependant une préférence pour la droite, au titre de l'exercice de tir.

C'est donc sans aucun regret que je décline votre invitation à diriger votre gouvernement. Je ressens en effet bel et bien une aversion complète à votre endroit. Je ne peux vraiment pas devenir le premier ministre de la France si pour cela il fallait concevoir des couloirs où je serais certain de ne pas croiser vos pas, imaginer des bureaux compliqués où je serais assuré que je ne pourrais pas vous attraper par la cravate, la bave au coin des lèvres avant de lancer ma tête contre votre tête qui irait rebondir contre la photocopieuse d'où frappant du poing le bouton vert je tirerais un portrait aplati et sanglant de votre tête émaciée par notre collaboration très vive et ainsi de suite le long des escaliers jusque dehors où parcourant toute la rue de Rivoli en vous traînant par une chaussure, tandis que vous rebondiriez partout comme un bidon vide, je me mettrais à hurler des choses terribles et définitives qui n'auraient d'autre effet que de sceller pour toujours l'impossibilité où nous nous trouverions de jamais travailler de nouveau ensemble. C'est pourquoi il faut bien mieux que nous en restions là. Je ne suis pas l'homme qu'il vous faut. Mon aversion à votre égard, sans être originale, ne pourra, je le précise aussi, en aucun cas être corrigée par ma vénalité. J'ai bien conscience qu'un premier ministre de la République française reçoit forts égards et vifs émoluments pour l'exercice de ses fonctions présentes et, s'agissant de ses fonctions réduites à l'état de souvenir, traces ou vestiges, l'assurance d'être vaillamment soutenu quand bien même les campagnes du royaumes eussent entièrement été brûlées du fait de mes décisions iniques, les phynances trouées par mes dépenses en restaurants, voyages et danseuses et ainsi de suite pour la conduite des toutes les affaires, l'invention d'impôts invalidants, la ruine de tous les services publics jusqu'à moi exclu et tout ce qu'il me plairait d'imaginer comme infamie historique…. oui je le sais, je serai assuré de pouvoir martyriser jusqu'à mon dernier souffle des subalternes chargés de nettoyer la purée au bord de mes lèvres paralysées par les fréquents accidents vasculaires que je subirais d'avoir mangé des homards avec de la crème plutôt que sans crème, des toast grillés au champagne accompagné de beurre plutôt qu'accompagné de rien en dehors du champagne…. eh bien c'est toujours non monsieur. Je comprends bien que vous souhaitiez pour moi le meilleur système de protection de chute de purée pour moi et j'estime que c'est tout à votre honneur de chercher à recruter de cette manière un homme choisi au hasard parmi les pires des incorruptibles plutôt qu'un des habituels scélérats avec qui vous avez l'habitude de traîner. Alors il convient peut-être de clarifier quelques généralités entre nous, afin que ma possédiez au sujet de mes idées une lecture bien fluide, bien dessinée, complète, sans aucune ombre ni ambiguïté. On connaît assez bien le comportement des amoureux éconduits, qui reviennent plus tard les bras chargés d'arguments totalement anachroniques dans l'espoir qu'une nouvelle formulation du même puisse finalement changer le cours d'une histoire pourtant révolue, de manière officielle. Je ne voudrais pas exposer un président de la République française à une humiliation aussi grande.

Alors nous allons reprendre ensemble rapidement. Si je ne souhaite pas répondre favorablement à votre demande, ce n'est pas seulement en raison des principes que je viens d'évoquer au sujet de mes rapports généraux ou particulier avec les présidents de la République ou avec vous, mais cela tient aussi à ce que vous tenez vous pour la réalité ce qui, de mon point de vue, s'avère être du vent produit par votre cervelle veule et vide. Vous ne pensez rien. Vous êtes pensé par d'autres qui eux mêmes n'ont que des idées sinistres. Vous êtes une bouche avec une cravate en dessous par les lèvres de laquelle passent des sons qui en d'autre lieux et en d'autre temps auraient été le fait d'un mince voyageur de commerce, du genre fluet qui aurait fini par croire, en raison de la cravate, de l'automobile, de ses compétences rhétoriques, qu'il possède effectivement une grande vérité à transmettre, que cela est sérieux. Dans la petite école de pensée où vous êtes allé mesurer vos limites, on ne vous a rien dit sur la marche intellectuelle des choses, seulement sur la manière de faire s'enrouler les poulies et les courroies afin de faire fonctionner le cheval de Troie sur le dos duquel vous fanfaronnez en croyant visiblement que le peuple vous aime et ne peut que vous aimer, vous la petite frappe payée à réciter le contraire de ce que vous faites, le Jupiter sans terre dont le regard se perd dans des horizons flous.

Vos chefs, en échange de ce boulot mal payé que vous avez accepté, ont réussi à vous faire croire que vous existiez comme un roi d'autrefois et vous paradez donc dans vos habits dorés avec vos courtisans également incapables, tous avec des mots ronflant dans la bouche, les valeurs supérieures de la nation, l'honneur de ceci, le prestige de cela quand en fait, en guise de prestige et d'honneur vous n'êtes là que pour exécuter de basses œuvres, récupérer ça et là les vestiges d'un projet de société pour les vendre à la sauvette au plus offrant après quoi vous vous rengorgez de vos finesses et de vos astuces, bien que roulé quatre fois par jour par des aigrefins souvent étrangers. Vous êtes un phénomène publicitaire, monsieur, ni plus, ni moins et cela vaut mieux pour vous que je ne vienne pas ajouter des ombres sanglantes à votre risible églogue.

Vous souhaitant le pire imaginable à vous et à votre absence de famille, je vous prie de recevoir en plein dans votre figure de chiffon l'expression de mon éternel désaccord.

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