l-actualité-comme-si-vous-y-êtiez ---- 10 Dec 2017
 

Candidature pour le poste de Jony

 

À l'intention du directeur,

Je me permets de m'adresser à vous relativement au poste de Jauni H. , réputé vacant. Je possède en effet toutes les compétences pour assurer une continuité artistique populaire et j'aspire par ailleurs au contrôle doux des populations.

Pressenti pendant quelques années pour un poste international de premier plan (pape) en raison de ma compréhension fine du poste (promesses, chaussons rouges, bras écartés), je suis prêt à me mettre rapidement à votre disposition pour donner un nouveau souffle à votre entreprise.

Si j'affirme posséder les qualités requises, ce n'est pas pour me vanter, non, c'est par sens du bien commun. Car en ces temps de pertes de repères et de bouleversements variés, la France est dans l'attente d'un grand artiste qui soit susceptible d'égaler en prestige le grand homme qui préside actuellement aux destinées économiques de notre grand et beau pays en pleine mutation. Or, sans un chanteur massivement populaire aucun coup de massue ne nous permettra d'aplanir durablement la situation. Et il se trouve que cet homme, ce poète, c'est moi.

Venons-en donc aux détails :

  • guitare : je ne sais jouer que quelques accords, que je prends soin de ne travailler jamais. Cette incompétence me vient tout naturellement. Chacun peut ainsi prendre s'y mettre et s'y croire.
  • chant : je gueule bien et j'ai la gueule pour cela. Je peux aussi produire quelques nuances, comme lorsqu'on a fini de taper sa femme et qu'on souhaite qu'elle reste.
  • écriture : je connais le français entièrement mais je n'en fais qu'un usage
    partiel. Ainsi chacun comprend ce qu'il lui plait. Par ailleurs je chanterai les textes qui vous arrangerons, pourvu qui soient dans la ligne de la musique que j'aime, qui vient de là, qui vient de la bouse.
  • argent : je me comporterais volontier avec les fortunes accumulées exactement comme les pauvres se figurent sans doute l'usage de leur nouvelle richesse, c'est à dire librement et n'importe comment. Et cela me permettra de truander les impôts, considérant, à l'égal de n'importe quel français chiche, que l'impôt est là pour me prendre ce qui devait me rester pour vivre. Cet aspect des choses me semble primordial : un grand footballeur doit un jour marquer un but de la main. Un homme politique doit traiter l'électeur de racaille. Un grand chanteur populaire doit assouvir des passions sournoises. Jouir immédiatement, partir le plus loin possible, ne plus voir vos gueules... Je serai le cow-boy qui se cache en chaque enfant et je porterai à merveille les habits du Far West que l'on trouve au supermarché de Dijon.
  • pensée : je suis parfaitement à l'aise avec le maniement d'une seule idée. Car je suis rock, j'entends le rester. Vous pouvez compter sur moi. Mon idée n'aura pas d'angle mort. Vous pourrez la tourner dans tous les sens et ce sera toujours la même. C'est cela la beauté de l'idée.

Assuré comme je le suis que vous pourrez donner une suite favorable à ma candidature, qui se trouve être la meilleure, sans doute serez vous également très intéressé par les perspectives de développement que j'entrevois pour l'entreprise.

Un jauni c'est bien, un jauni augmenté, c'est mieux. Il me semble pour commencer qu'il y a trop de musiciens, d'écrivains et d'artistes talenteux dans ce pays. C'est très mauvais pour l'humeur du peuple. Je propose de couper court rapidement à cette inflation de création incompréhensible autant que prétentieuse en créant un ensemble de taxes et impôts qui porteront mon nom, en hommage à mon oeuvre concrète, réelle et vérifiable. En dessous d'un certain nombre d'oeuvres vendues, le créateur devra se conformer à la loi Jauni : remboursement de sa scolarité depuis la maternelle, paiement d'un impôt inversement proportionnel au revenu de sa création ; cela devrait dissuader les profiteurs du système d'exagérer leurs nuisances. Avec l'argent ainsi récolté, je propose de subventionner toutes les villes de France pour qu'au moins une rue porte mon nom. S'il manque de rues, il suffira de renommer les rues Baudelaire ou Flaubert et autres entités négligeables en terme de revenus. Rien n'empêche non plus de créer des jours de commémoration non chômés où chacun sera invité à contribuer à ma mémoire par son travail et sa peine. C'est tout à fait naturel pour un artiste qui a tant apporté.

S'agissant de la poursuite de l'oeuvre, j'estime qu'il faudra rester aligné sur la trajectoire que nous - si vous permettez que je passe au nous -
avons décrite jusqu'à notre première mort. nous avons, je me permets le souligner, établi une franche proximité physique entre notre apparence terminale et certains grands pharaons de l'Égypte antique.

J'entends donc devenir un pharaon rock, avec guitare en bandouillère, réinterprétant nos plus grandes chansons jusqu'à ce qu'au dessus de nous s'élèvent des pyramides de chair et de sueur.

Il n'y a pas de raison de penser qu'un retour à l'esclavage ne soit complètement impossible grace à nous. Des thuriféraires de la pensée Jauni se porteraient au devant des sociétés après avoir dûment placé tout leur argent dans des paradis fiscaux, afin d'augmenter leur prestige. Cela leur permettrait ensuite de présenter le travail, quand on en possède un, comme une sorte de chemin vers la lumière Jauni, un chemin qui ne mérite pas vraiment de salaire car s'il en était autrement l'épiphanie d'un concert ou d'une nouvelle mort (car nous comptons mourir à nouveau et descendre éternellement les Champs-Elysées) ne serait pas assez pure et le sacrifice trop relatif.

Dans l'attente d'une réponse favorable de votre part, je vous prie de croire en mes sentiments les plus rocks.

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