Vivre sa vie comme on vit sa vie

Non je ne me suis pas renseigné mais je suis certain qu’il existe surtout des manuels pour rater correctement sa vie. C’est certain, ce qu’on attend de nous c’est de posséder un projet. Et comme les projets - en attendant le retour des dictatures et des monarchies - sont désormais par nature indifférents, la liste du petit entrepreneur de soi même comprend très certainenement l’échec. Louper avec soin, se fouetter la nouille à la recherche des opportunités de rétrogradage social, voilà qui est finalement dans l’ordre. Le risque est même grand qu’il découle d’une vie occupée à la détruire un prestige négatif, et qu’ainsi, à se lever tôt le matin pour devenir des personnages oisifs et bruyants, on finisse par recevoir argent et honneur telles les pierres qui roulent en concert, si vous voyez de quelles perruques je parle. Bande de misérables, bande de pussillanimes.

Est bien plus fin le ratage sans ordre ni projet.

Si la vie est une vague qui nous emporte, il y a des chances qu’à force d’être chahuté dans des rouleaux on finisse pas comprendre petit un qu’il existe une vague et petit deux qu’il n’y a pas d’autre choix que de la surfer. Tant et si bien qu’à force, on pourrait croire que vous eussiez appris des leçons comme ils disent, ce qui, même pauvre et relégué, vous procurera une existence standard. On trouvera toujours quelqu’un sur ma dépouille pour dire que je n’avais pas mon pareil pour déboucher les éviers. En effet avec un serpentin enroulé dans un compartiment circulaire vous êtes capable d’opérer une tuyauscopie dans les rêgles de la magie serpentine, remontant ainsi en quelques minutes plusieurs repas de chouette et tout cela sans que personne ne se rende compte des enjeux réels, des hautes responsabilités que vous avez assumées, des méthodes dangereuses impliquant des siphons et des pas de vis humides, des magasins fermés ou dénués du bon coude pour la bonne dimension et ainsi de suite jusqu’à l’apogée d’une carrière où, ne sachant que dire, vos survivants vous portent aux nues du robinet. Non, non, je ne parle pas de moi car moi monsieur ce qu’on peut dire c’est que non seulement je n’ai pas vue la vague arriver mais je ne savais pas qu’il y en avait une et forcément quand à faire d’une demi noyade un étalage de vertus, range ton carambar, tu fais fausse route. Je possède certes un serpentin pour le grand canal de la Venise domestique mais je n’en tire aucune gloire touristique. Les bourreaux établis j’en suis sûr rangent soigneusement les outils de découpage des chairs et font visiter leurs partenaires de décapitation, avant de parler du bon vieux temps des écartellements entre chevaux. Très peu pour moi. Je débouche les éviers quand il faut et puis c’est tout ce qu’il y a à dire au sujet des orchidées.

Ne pas voir arriver les grosses vagues de la vie n’est pas un talent, cela ne s’apprend pas je crois mais c’est certainement ce qui arrive quand on se laisse un peu distraire. Alors probablement pour rater véritablement sa vie, c’est à dire vivre pleinement, il suffit d’être un peu distrait. C’est un bon début disons. Une vague, quelle vague ? Comme cela il fallait monter dans le train vous êtes sûr ? La métaphore de la vague n’est peut être pas la bonne. Il faut élever cela d’un niveau. L’existence est une onde. Une innondation perpétuelle. Un englobement visqueux. Il n’y a ni haut ni bas ni aucune autre dimension qu’un flux que d’ailleurs vous ne verrez jamais si vous êtes mal né c’est à dire si l’on vous a transmis des principes de navigation et de bonnes manières avec cela, que vous ressenter une sorte de prestige constant à appartenir. Soit dit en passant il me semble que les gens de gauche, c’est à dire bien nés, c’est à dire dans la merde, ne perçoivent pas l’autre camp avec la pertinence nécessaire lorsqu’il s’agit d’évaluer comme une forme d’obscurantisme leur constante référence aux valeurs et aux principes et qu’en somme à force de persuasion et de patience les gens de droite finiraient par être convertis et marcheraient ensuite aux côtés des merdeux. Voilà une affaire perdue d’avance car ces gens sont ceux qui réussissent c’est à dire qu’ils s’appartiennent, ils sont dévolus à eux mêmes selon les idées qu’ils se font et ils se forment ces idées non pas en raison de ces idées mêmes, nommé ailleurs principes, mais parce que ces idées existent comme valeurs arbitraires, imperméables au flux. En sorte que vraisemblablement il n’y a chez ces gens mal nés ni envers ni revers et aucune forme de duplicité. Les tautologies des choses qui sont ainsi parce qu’elles sont ce qu’elles sont ne peuvent pas les déranger et les discours contraires n’ont pour eux aucun sens, au mieux ressentent-il un danger, les idées dangereuses comme ils disent, les idéologues vous savez, tandis qu’ils sont eux juste dans le réel naturel automatique éternel. Après il y a des nuances bien entendu soit dit en passant de nouveau. Les éclairs aux chocolats dans cette vitrine vous comprenez, je peux encore repasser une fois sur ce trottoir enfin, même si je n’ai pas les moyens. Mais passons alors, même si ça avait l’air bon.

Donc un ratage ni fait, ni à faire, un ratage informe demande un peu de distraction afin de ne pas se laisser prendre par les beautés architecturales du vent. En général en laissant couler, c’est ce qui arrive. De facto comme ils disent il va vous arriver des bricoles comme ils ajoutent. Vous ne fileriez pas par hasard du mauvais coton ? Non non, y répondriez vous , je file du mauvais coton mais par hasard.

Ensuite le mieux c’est sans doute de faire une liste des bonnes pentes qui vous amèneront à être pleinement en vie. Fraicheur des listes. Amour des découvertes.

• ETUDES. Vous allez laisser une fillière vous choisir parmi les portes qui se sont fermées pour vous pendant que vous étiez en train de clarifier vos projets. On vous enseignera ce qu’il reste quand on a enlevé tout ce qui est utile à la marche du monde c’est à dire finalement de quoi assurer une exposition maximale aux rayons cosmiques. La lune et le soleil n’auront aucun secret pour vous mais il vous faudra parfois fermer la bouche un peu pour ne pas passez pour un idiot complet.
• AMOUR. Vous aller laisser un partenaire vous choisir parmi les opportunités qui se sont fermées pour vous pendant que vous étiez en train de vous masturber. On vous enseignera les injonctions contradictoires en échange de gratifications et le libre arbitre aussi, mais comme passager. Les discussions sans fin n’auront plus de secret pour vous mais il faudra parfois ouvrir la bouche pour ne pas passer pour un idiot complet.
• FAMILLE. Vous aller laisser un ou des enfants naitre si possible au moment où vous n’aurez ni argent ni logement. On vous enseignera à vivre au ras du sol et à ramasser des crottes issues du fonctionnement régulier des tubes digestifs en échange de quoi vous n’aurez aucun temps pour contempler autre chose que les remous de la machine à laver de la life que t’as. Les discussions sans fin n’auront plus de secret pour vous mais vous devrez malgré tout laisser ouvertes les autres discussions sans fin afin d’équilibrer la partie amoureuse de votre rapport aux choucroutes.
• TRAVAIL. Vous aller laisser dire à n’importe quel chef qu’il ne faut laisser à personne d’autre que vous le soin de dire qu’il ne faut laisser personne d’autre que vous dire que le travail en général et ce travail en particulier est celui que vous vouliez. On vous enseignera ce qu’il reste à faire quand on a enlevé ce qui sert vraiment à la marche professionnelle du monde pendant que vous étiez en train de clarifier combien d’argent il vous fallait pour exister sans risquer une crampe au coude, également connue sous le nom de “crampe du mendiant”.
• SANTE. A la bonne vôtre. Tout passe du moment que ça passe vers le bas. Arrêtez vous dès que vous sentez que ça remonte.