grand-sédimental ---- 04 Nov 2024
 

A quoi j'échappe en ne recevant pas le prix KongKour

 

Seigneur tous les ans ce même supplice des prix littéraires qui vous tombent dessus comme des météorites. On ne peut pas non plus parler de pluie, mais de plaie quand même. Vous descendez le boulevard Saint Michel tranquille, vous saluez de loin un ami et voilà c’est fini, le prix est tombé sur ma tête, je gis dans mon sang, attroupement, c’est bien fait, dit une dame, il n’avait qu’à pas écrire, on les reconnait les nuisibles, ajoute un autre, appuyant son propos d’un coup de taloche dans les côtes. Et puis les secours arrivent, vous ne pouvez pas rester là, dit l’agent littéraire, vous avez été choisi, vous devez partir en campagne maintenant, montez dans ce camion, voici votre costume velours, attention à la barbe, elle n’est pas réglementaire etc

Il est quand même heureux que je ne dispose d’aucun manuscrit. Même si je suis un grand écrivain sans l’ombre d’un doute, personne ne devrait être au courant de mes mérites et de mes phrases, si mes calculs sont bons. Ils sont dans un de ces bureaux là, où rien d’autre que des accidents de papier peuvent arriver, d’où ne sort aucune commandite d’agent secret en mission d’infiltration littéraire chez des gens comme vous et moi chez qui on aurait détecté quelque chose de pas normal au niveau du style, un dérèglement dans la formulation ou l’arrangement des phrases, ce qui necessiterait une enlevèment en plein jour, une sequestration manu litterari dans une base souterraine secrète sise sous les locaux du ministère de la culture, tout cela juste pour écarter la possiblité d’être passé à côté d’un phénomène d’édition. C’est safe, je suis tranquille, je ne risque rien. Je ne risque rien ? Maintenant que je l’écris je suis soudain moins sûr. J’ai besoin d’un remontant. Allez, soyons honnête, ils ne vont jamais venir m’attrapper car je ne suis pas bon en thème. Si des fois je devais raconter les histoires de Clothilde, journaliste parisienne, ou de Mary Line, femme exploité de province, ou de Hubert, chauffeur de riche, ou de Kevin, jeune en rupture de quelque chose, j’y mettrais zéro inceste, aucun viol, ni singulier ni collectif, ni drame de la respectabilité bourgeoise mis à mal par un scandale, ni aucun handicapé qui aurait des compétences que la société nie, ni psychopathe et tout le bazar mais que des gens qui mangent des choux à la crème en regardant le ciel depuis des aires d’autoroute. Ce serait plus fort que moi. Ca commencerait de manière normale, le lecteur se demanderait si la description des veines des mains du héro agrippé au volant de sa voiture qui file à toute allure signifie qu’une femme dans un hotel, signifie que la police au loin, signifie que ça se trame, des drames et des trucs et va y que ça se complique mais tac, arrive l’aire d’autoroute, les choux à la crème, le banc et qu’est ce donc qu’il fout le mec là sur le banc et qu’est ce qu’il nous veut l’autre avec ses nuages là et on avait pas dit qu’il était pressé et voilà, à la flotte le prix Koncourge. Hors koncourge le boug. Zéro chance. Peinard médiocre. Chemin dégagé. Choux à la crème à tous les étages. On respire, on respire. J’ai tout fait pour ne pas avoir le prix Konkurt, tout est bien barré à triple tour. J’ai même en stock des tas de phrases qui ne veulent rien dire, par sécurité. Si on me coince dans un coin sombre, je montre mes phrases à la noix, je menace de les lire à la télévision pendant l’émission de Boulgur Desplanques, le célèbre présentateur littéraire et voilà c’est plié.
Nous sommes le 4 novembre, la météorité est sur le point de tomber, j’étais sur le point d’élaborer une nouvelle liste des choses auxquelles j’échappe en ne recevant pas le prix Gonkourge sur la tête mais la peur est toujours là, je n’ai plus le temps, je vais plutôt partir me cacher et je suis navré pour cet espoir à nouveau déçu. Que faites vous là aussi ? Qu’attendre d’un employé de bureau sous diplomé à la fin ? En tout cas si on me cherche, je serai toutes la journée dans une forêt allemande que je connais avec des livres anglais pour être sûr à cent pourcent qu’aucune onde ne passe.

← Je veux ma Momon

Avant: Vivre sa vie comme on vit sa vie Apres: Peut on être un clown et un fasciste en même temps ?