ignorance-active ---- 10 Nov 2024
 

Peut on être un clown et un fasciste en même temps ?

 

J’entends de doctes gens disserter sur les différences entre les fascistes historiques et ces gens qui désormais montent sur des estrades pour tenir le même discours qu’eux. Il m’importe peu qu’ils soient si malins, ces gens qui dissertent, que leurs arguments soient justes si les conséquences sont les mêmes, à savoir qu’on arrive un beau matin devant moi pour m’expliquer que je porte tors à quelqu’un et ainsi de suite jusqu’aux exutoires les plus sanglants, soit disons un bon plat de trippes fumantes livrés aux regards de tout ceux qui n’ont rien trouvé de mieux pour donner sens à leur humanité. En quoi les massacres ne seraient plus compatibles avec la modernité des prétendues sociétés démocratiques si les gens qui appartiennent à cette société rêvent de tuer des gens, enfin, pour être plus précis, rêvent que les gens qui finiront tués puissent ne pas être des gens tandis qu’eux le sont, pour cette raison même ? Parce qu’on a pas trouvé mieux en effet, chez les singes pour appartenir à un groupe que d’en occire un autre.

J’entends de l’autre coté les outrances verbales répétées du candidat Trompe qui semblent finalement avoir l’effet inverse auquel on s’attendrait. Au lieu de passer pour un ignoble tyran, il passe ainsi pour un clown au bout du compte sympathique. Est ce parce que les mots n’ont plus de sens ? Est ce parce que ces gens ont perdu la tête ?

J’ai une réponse technique au phénomène même si le substrat idéologique reste très trouble. Il appert que monsieur Trompe est en effet tout à la fois perçu comme un clown divertissant et un homme providentiel. Et il semble que non les électeurs ne sont pas fous, ils comprennent pour la plupart les horreurs qui sortent de sa bouche mais demeurent persuadés que c’est l’homme providentiel. Le paradoxe n’en est probablement pas un. C’est parce qu’il raconte n’importe quoi de grossier que précisément il est providentiel. Voici. Cet homme a ceci de différent des autres farceurs qu’il a compris que la farce se suffit à elle même. Il semble que le portrait que les gens d’esprit non américains font de lui est faux sur un point important, son supposé ego, sa prétendue mégalomanie. Ce qui me le fait penser c’est les détails de sa vie comme clown de la télévision américaine. Les détails proviennent de ses collaborateurs. Acte un, monsieur Trompe hérite d’une fortune moyenne et comprend que ses compétences seules ne feront pas de lui un homme riche. Acte deux, il incarne volontairement le rôle de l’homme riche à la télévision alors que - acte trois- ses affaires sont si mal engagées que c’est la banque qui devient le réel propriétaire de ses biens. Un homme qui possèderait le moindre égo se trouverait à ce point plongé dans une crise existentielle si forte qu’il en perdrait tous ses moyens. Il n’en est rien. Il explique aux banquiers qu’il doit garder l’usufruit des signes exterieurs de sa richesse afin d’accroitre sa richesse. S’ensuit cette idée hallucinante que les banquiers américains le croient et par suite le reste de la troupe. Chacun se figure ainsi que monsieur Trompe est un grand homme d’affaire quand il est sur scene mais l’illusion se poursuit chez les gens d’affaires, car les spectateurs de ces emissions ridicules ne sont probablement pas différents de ceux qui ont l’argent pour les produire…. l’Amérique quoi. Persuadé qu’il importe en rien d’être vériablement un bon homme d’affaire du moment qu’on passe pour tel, il operera une mutation de sa fortune réelle et supposée sur son nom seul. Nom de scène ou pas, pour des conséquence clownesque ou sérieuses, peu importe. Arrivent des demis escrocs qui veulent mettre leur argent sur ce nom, monsieur Trompe prend la moitié de l’oseille gagnée tandis que l’affaire coule ou pas, peu importe. Il existe comme nom, le reste est indifférent.

Rien n’importe.

Penser que les gens qui participent à ce spectacle comme electeur, spectateur, partenaire ou autre puissent simplement être débousolés est donc une erreur très vraisemblablement. On peut seulement leur opposer qu’ils vivent collectivement une illusion mais que cette illusion en devenant majoritaire devient, remplace, efface, annule ce que nous appellons nous la réalité. L’affaire elle même ne ne n’intéresse pas, chacun aura compris que ce qu’ils appêlent le rêve ces gens n’est jamais qu’un tas de dollars et ainsi le clown de l’homme d’affaire suffit bien pour entretenir cette idée que toutes les idées du clown se valent du moment qu’on a le rêve porté par le clown. Au fond monsieur Trompe pourrait avoir un autre rôle de couleur plus gauche ou je ne sais quoi sans que le mécanisme ne cesse de fonctionner; à ceci près qu’il doit pouvoir parler à l’esprit américain, c’est à dire en somme parler d’argent. Alors bref, tout est faux pour tout le monde et ce n’est grave pour personne, sauf bien sûr pour qui aurait intérêt à l’affaire, à savoir la liste des cupides milliardaires qui font leurs comptes par derrière et pilotent, on s’en doute assez, les simagrées de leur homme. Pendant que toute la planète de gauche se préoccupe de démocratie, ils s’activent.

Rien d’autre ne leur importe.

A moi ce qui importe c’est qu’à la fin c’est des balles réelles qui sortent des fusils de ceux qui sont prétendument des clowns sans cervelles, ce qui m’importe en réalité c’est ce tas de merde qui reste quand on a gratté le verni, le tas de merde avec un fusil à la main, le trajet concret des balles dans les corps des gens prétendument sans importance, tirées par ce que nous nommerons des fascistes par commodité, pardon, pardon, c’est interdit, mais je l’écris quand même. Certes nous observons désormais que les gens prétendument sans importance dans les corps desquels des balles auront fait un beau voyage puissent à leur tour monter sur scène un peu plus tard comme fascistes ou comme clowns ou comme ce qu’on voudra bien appeller comme chat du moment que c’est bien d’un chat avec un fusil qu’on parle, certes nous pourrions presque trouver la paix avec cette idée que l’espèce a donc atteint l’universel dans le partage des rôles du bourreau et de la victime, mais moi je vois juste le chat là, avec son fusil, son petit sourire enigmatique, je suis là - je suis pas là, je fais que passer, t’inquiète pas, c’est juste des mots, miaou, et tac le pruneau dans le coffre.

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