Maria Branyas
Il y a deux manières de mourrir sans que la moindre brise ne vienne rider les eaux calmes de l'étant. On peut être assez idiot pour entreprendre quelque chose, le rater médiocrement, ferrailler quand même, se lever la nuit pour manger par rancoeur des pots de confiture en entier sur des tartines beurrées d'histoires très compliquées relative à l'argent et à la reconnaissance qui serait dûe pour avoir contribué s’il vous plait à l'amélioration du régime des flux dans les machines à compresser les bulbes et puis perdre de vue ses pieds, divorcer trois fois, s’embrouiller avec les enfants qui ne veulent pas entendre les détails sur la compression des bulbes, pas plus que les rapports sur le faciès des perfides chinois qui sont, soit dit en passant et voilà on se cogne la tête en glissant comme on voulait rattraper la serviette parce que s’il vous plait la savonnette s’est enfuie, elle aussi, soit disant parce qu’on est trop gros et voilà, voilà, ça roule, chaud devant, encore un peu de purée servie dans une taule au rabais et salut. La seconde manière c’est de ne rien faire du tout. Une femme qui vous sourit dans un bar, vous lui souriez aussi mais votre vocabulaire est limité, pas un mot plus haut que l’autre, pas un non plus qui soit capable de rattraper l’autre alors vous n’hurlerez jamais ensemble autour d’une couche merdeuse au petit matin, la porte du refrigérateur s’ouvrira quand même pour des tartines beurrées la nuit avec ça de confiture dessus parce que pourquoi pas, la liberté c’est ça et voilà voilà ça roule, tac le frigo de la morgue qui glisse, suffisamment haut pour les trépassés valonnés. Mais parfois ça loupe. On s’appelle Maria Branyas, on pose tranquille à 4 ans au début du vingtième siècle puis une nouvelle fois au deux tiers du siècle suivant et l’on est obligée de rendre quelques comptes. Si vous ouvrez seul la porte du frigo. Si vous mangez des racines de bulbe. Si vous savez c’est quoi le secret pour que je meure pas avant d’avoir vu le premier homme mourrir sur Mars. Un rapide examen des sources indique que personne ne pose de question à Maria sur ce qu’elle pense. Alors c’est l’heure de remettre les pendules à l’heure, il ne me reste que deux minutes pour boucler une biographie de 117 ans avant que … infirmière franquiste tombée du pont d’un bateau transatlantique en jouant avec ses soeurs puis morte dans mon sommeil sans que je capte le signal car j’étais en vacances. Maria c’est bon, l’injustice est réparée.