ignorance-active ---- 03 Aug 2023
 

Mais pourquoi diable écouter du clavecin ?

 

Personne ne me demande pourquoi j’écoute du clavecin. Pourquoi quiconque me demanderait du reste quelque chose ?
Reformulons. Les yaourts ou le clavecin, vous préférez quoi ?
On avance déjà un peu dans le sujet qui est désormais principalement celui de forcer l’être suffisant de sortir les doigts du cul de son téléphone portable.

Les yaourts sont mauvais à faire tourner le lait. Voilà. Concentrons nous plutôt sur le clavecin.

Il faut écouter la musique écrite pour le clavecin car elle est extraordinairement expressive d’une manière générale. Cette expressivité tient beaucoup à l’instrument à mon avis tant il est vrai qu’on va quelque part selon ses chaussures. Elle tient beaucoup au gout de l’époque aussi, de manière indémélable, tant il est vrai qu’on a du style selon la manière de nouer ses lacets. Maintenant bien sûr je dis ça j’ai rien dit, il faut voir au cas par cas, si c’est pas oui ou non un peu beaucoup expressif la musique pour le clavecin. Avec un peu de concentration on se rend vite compte que la musique pour le clavecin tire partie d’une caractéristique particulière de l’instrument qui est de savoir parler. Pour faire parler un piano, déjà il faut le faire arrêter de chanter et il faut même lui tordre un peu les marteaux. J
e n’hésite pas à croire que l’invention d’un luth couché constitue pour toujours un évènement musical universellement majestueux. En effet, mettre a plat les sons tout en conservant un timbre propre au discours, c’est ce qu’il fallait faire. Cela a été fait et pour le dire autrement il était bien inutile de partir sur la Lune après avoir inventé le luth qu’on peut jouer avec tous les doigts de toutes ses mains.

Et puis je vois qu’il y en a vraiment pour tous les goûts. On est pas obligé de se cogner les terribles contre points germaniques, on peut écouter les expériences spectrales de Couperin ou les danses savantes de Rameau sans qu’on n’ait non plus l’impression d’une tapisserie sonore sans fin lorsqu’ on se tourne vers les paysages italiens souvent abrupts, contrairement aux idées reçues sur les crémeux latins. Coté interprêtes c’est pareil, entre les raides et les souples, les qui font les liaisons, les qui pas, avec les frites, sans les frites, gras, maigre, plus horizontaux, plus verticaux chacun peut trouver la bonne expression ajustée à son bonnet.

Et puis on peut également, quand on est d’humeur verticale, apprécier les nuances de timbre dans le répertoire français en notant dans un petit cahier avec un petit crayon le nom du facteur comme on le ferait s’il s’agissait d'un vin. Personne que je sache ne saurait choisir un disque de musique écrite pour le piano selon la facture du piano tandis que pour le clavecin il est possible de classer les interprétations par facteur et cela forme un argument majeur pour interdire d’office tous les voyages dans l’espace et tous les moyens de locomotion motorisés. Vous avez déjà essayé d’écouter du clavecin tandis qu’une moto passe dans la rue ?

Ranger ses disques de clavecin par nombre de pages dans le mode d'emploi livré avec, puis par clavecin puis par compositeur puis par interprète, voilà probablement ce que je conseille à l'amateur de clavecin qui aurait du temps devant lui et aucun ami.

← Je veux ma Momon

Avant: Précis OVNIs Apres: A tout ignorant malheur est bon