ignorance-active ---- 20 Aug 2023
 

A tout ignorant malheur est bon

 

Ce blog c’est le royaume de l’ignorance décomplexée. C’est entendu. Mais cela ne dispense pas d’argumenter pour la défense du point de vue bête, avec ce paradoxe de devoir le faire tout en se tenant soigneusement dans l’erreur ou l’approximation sa cousine.

Vais je faire un parallèle avec l’alcoolique qui sait ce que la santé signifie; en raison de quoi il se tient dans les limites favorables de l’intoxication ? Non je ne ferai pas ce parallèle.

Mais qu’elle est cette question alors ? S’il suffit d’exister pour être un idiot, pourquoi se poser des questions ? Parce qu’il ne s’agit pas d’être un idiot mais seulement un ignorant. Il est loisible d’être un ignorant sans être tout à fait idiot. La limite entre les deux espaces n’est il est vrai pas toujours tout à fait claire, c’est pourquoi il importe de déployer un minimum d’énergie intellectuelle pour différencier la croute du fromage du fromage lui même. Moisi sans doute, mais pas pourri non plus, telle est la devise des demi sels de la vie. Telles sont pour les gens mal nés les légions interlopes auxquelles je propose d’appartenir. Mal né celui qui lit ces lignes, au lieu de faire defiler des inepties sur son téléphone, au lieu de lire au contraire des livres avec des notes en bas de page qui renvoient à d’autres détails sur ce qu’on sait par exemple, de la toilette d’une dame à Carthage avant la seconde guerre punique.

C’est comme l’histoire du pari décrit par qui vous savez si vous deviez en savoir autant que ce que tout le monde sait : celui qui n’a pas le loisir de l’étude et du loisir tout court, a tout à perdre à parier que l’accumulation de connaissances sur le monde va rendre sa propre intellection du monde meilleure. Ainsi encore vaut il mieux s’en tenir à ce qui rendra favorable l’expérience de cette pente particulière où chacun glisse de manière quelque peu grotesque, pour des animaux issus du singe, j’entends, en prenant des airs, en faisant des façons, en se rengorgeant de mots tels que la civilisation, la concorde, les lumières et ainsi de suite. Je ne pense pas à ceux dont la connaissance est le métier, ceux qui après avoir défini au mieux la toilette de la dame de Carthage avant la seconde guerre punique, ont le droit de passer au supermarché avec l’argent de cette recherche pour acheter des patates, rentrer chez eux et les y faire cuire sans aucune mauvaise conscience s’agissant de ce qu’ils auront fait pour servir leurs propres intêrêts. Tout le monde ne peut pas transformer la toilette des dames de Cartage en patates, les autres peuvent aller se faire plutôt cuire un oeuf, s’ils ont des lumières à ce sujet. Non, je pense à ceux qui, mal nés, n’ont pas le loisir véritable de partager des discussions amicales ou familiales sur des sujets de l’esprit, rompre le pain de l’intellect ensemble, et puis se rassurer sur ce qui est bien et ce qui est juste. Qu’ils soient rassurés, ceux qui doivent vivre et travailler sans pouvoir clairement différencier les deux concepts. Car l’ignorance propre - ne pas confondre avec l’ignorance crasse - leur tend les bras. Il suffit de déployer devant soi une seule fois la marche réelle des choses. On pourra lire éventuellement le best seller de Lucrèce, mais c’est optionnel, car on peut s’en rendre compte par soi même. Premièrement ça marche tout seul. Il n’y a rien à faire pour que tout avance dans un sens ou dans un autre, sans qu’on doive y comprendre quoi que ce soit. Maintenant s’il s’agit, deuxièmement, de comprendre quelque chose, c’est que tout ce que vous pourrez faire devra être fait sans attendre aucun progrès général. Par progrès général j’entends une situation où le grotesque de la situation désactiverait dans les grandes largeur cette volonté qu’ont les singes outillés d’en découdre, de posséder, d’accumuler, de bablater en bombant le torse, car supposément, la connaissance du grotesque et des limites de chaque chose aurait si bien diffusé dans les cervelles que les singes auraient passé un stade historique. Rien de tout cela n’est visible. Par conséquent, à quoi cela servira t il à ceux dont le métier consiste à survivre au milieu des singes, de savoir pourquoi les autoroutes à quatre voies, pourquoi les femmes battues, les hommes politiques avec des sucs merdeux qui leur coule des lèvres, pourquoi dix marques de coupe oeuf et six pour les coquetiers, pourquoi la télévision et les différentes formes modernes d’abrutissement, pourquoi la musique militaire partout, les voyages tout compris, pourquoi personne ne regarde le ciel ou quoi que ce soit ; alors qu’il vous suffirait d’aller faire un tour à pied et vous assoir sur un banc et y boire un verre d’eau, assis sur votre fortune qui vous permet de le faire au moins une semaine. Ne prenez pas forcément un livre avec vous. Vous seriez tenté de croire en le lisant qu’à force ça va finir par le faire. Au bout de six ou sept mille ans depuis l’invention des maisons et des comptables, tac d’un coup, la pensée rentrerait dans les cranes et cela pile au moment où le principe des principes c’est d’empêcher par tous les moyens l’accès direct à [cet espace publicitaire est actuellement disponible] l’être ? Crotte de taureau, crotte de Thoreau, ah, ah, plouf.

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