ignorance-active ---- 17 Mar 2023
 

Précis de psychopathologie française

 

Pour avoir très longtemps vécu en France, au point d’y être né, je peux affirmer qu’en comparaison avec d’autres pays dont la forme extérieure est démocratique le fond de l’air est parfois rouge, parfois bleu, mais toujours féodal. C’est dans les rapports de pouvoir interpersonnels que se détecte la couleur féodale spécifique, laquelle dépasse largement les classes sociales, laquelle explique assez bien de mon point de vue pourquoi le feu se déclenche mais aussi pourquoi le feu n’est jamais tout à fait éteint.

En somme l’idée reçue sur la société française, c’est que pour avoir fait basculer les équilibres politique au dix-huitième siècle aussi bien par la force et que par l’esprit, elle forme une sorte de point de repère de la critique des choses dans le monde démocratique. Pourtant, dans la réalité il n’y a qu’en France que j’ai vu autant d’entorses aux principes supposément érigés comme étant LES principes du consensus social. Cette impression d’avoir en permanence devant soi un alcoolique qui hurle des voeux de sobriété, mêlés d’injures et de vomi, elle ne m’a quitté qu’après m’être fait la malle. Pour aller vite je pense qu’il y a vraiment un rapport de violence profond qui provient de l’extraordinaire scéleratesse des régimes historiques et ce rapport est maintenant inscrit. S’il fallait générer des français avec un programme, je devrais impérativement ajouter un composant je te fais la gueule par défaut sinon personne ne prendrait ce travail au sérieux. Je dois être fou sans doute, mais je vois Alain Juppé apparaître dans les enluminures de Jean Fouquet, posture un peu raide, prêt à mordre ou à humilier quelqu’un.

Alors concrètement cela signifie deux choses. Première chose, le capitalisme sauvage et guerrier inspire sans doute aux français de simple extraction comme moi le souvenir des grandes oppressions du passé, raison pour laquelle le législateur français, tout piloté qu’il soit par ces élites désormais soumises aux pouvoirs temporels de la phynaaaaance père Ubu, peine à imposer la mise en conformité des règles sociales avec la marche maintenant mondiale des choses, laquelle marche funeste et abjecte est, si je comprends bien, que rien, aucun système social, jamais, nulle part ne saurait empêcher les Dieux de l’argent d’établir a priori les rapports de force entre les gens. C’est beau la liberté, disent-ils, de se sortir soi même de la maladie, de l’ignorance, de la pauvreté, plutôt que vivre aux crochets de la société comme ils ajoutent, car on devient mou et bête, vous savez, et pour résumer c’est pas bon d’avoir trop de loisir. Travaille, doute, puis crève, et puis voilà, merci pour vos bons services.

Admettons.

C’est faux, bien sûr, mais admettons.

Alors vu de l’extérieur lorsqu’on voit les français se révolter à très juste titre, on peut facilement croire qu’ils ont compris quelque chose tandis que les autres moutons se laissent tondre gentiment, qu’ils sont effectivement la pointe de la pointe et qu’il va ensuite y avoir comme une apparition de la vierge démocratique avec toute sa suite de divinités grecques, ses concepts supérieurs emaillés de philosophie, de poèmes et de littérature et le monde entier va voir ce qu’il va voir, on aura honte de ne pas en être etc.

Or, il me semble qu’à chaque fois, cette apparition foudroyante du bien et du juste au milieu des légions barbares ne se produit en réalité pas du tout. En fait d’apparition il s’agit plutôt d’un réglement de comptes entre barbares justement. L’histoire forme cycle. Des barbares se sont octroyés des pouvoirs démesurés, puis appliquent ce pouvoir avec toujours moins de discernement et de mesure, que ce soit dans des institutions publiques ou des organisation privées, jusque dans les familles mêmes , dans les moindres plus petits recoins où deux français peuvent se tenir sans se cogner, jusqu’à la dernière des pissotières de province où l'on peut en découdre sur la présence ou l'absence de papier toilette, jusque dans les catacombes si possible, quand tu veux encore crâner avec ton crâne. Là dessus d’autres barbares opprimés se rebiffent et se mettent temporairement ensemble pour agiter des principes assortis de menaces qui finissent par effectivement modérer les ardeurs des barbares du dessus et il en va ainsi jusqu’à la prochaine fois. Parfois cependant l’iniquité est si grave, que les cartes du pouvoir se trouvent redistribuées par la force. Des enfants de la rue devenus préfet de police vont alors probablement faire tabasser par la police des aristocrates devant la soupe populaire à laquelle l’esprit de vindicte générale, typique du monde barbare, les aura réduit. Et ainsi de suite, de manière irrévocablement indémerdable, me semble t il. C’est la composante seconde de la révolution à la française, qu’on oublie systématiquement dans le tableau. Il y a des camps oui, mais dans tous les camps des barbares de France. Si cela résulte d'un problème au niveau du bassin parisien, avec ses rois francs qui auraient mal digéré quelque chose, auraient établi une durable malédiction psychopathologique tout en forçant tout le monde à prononcer le latin avec des frictions plouques qui permettent ce gromellement fricatif qu'on a en partage avec les serpents, les gallois et les hollandais, je l'ignore, car je suis un ignorant. Donc bref nul besoin de convoquer les sombres heures de Bonaparte pour étayer ce b(r)ouillon de thèse.

Et en dehors du bruit et des destructions, qu’avez vous donc à proposer pour améliorer la vie de tous ? demandent les bourgeois de France avec leurs regards de vierges effarouchées, par ailleurs fermement agrippés à tous les mécanismes de pouvoir, dépositaires également des représentations symboliques courtoises, manifestant le mépris le plus complet à l'égard des gens du dessous, n'importe lesquels. On veut de l’argent pour vivre, répondent les opprimés. Ensuite arrivent les théoriciens, qui ajoutent des concepts tels que l’égalité. Car vous comprenez la prochaine fois que ces salauds voudront s’accaparer toutes les richesses et tous les pouvoirs, nous voudrions qu’ils puissent être condamnés par la loi ou du moins taxés jusqu’à l’os. Jusque là, d’accord. Qui ne voudrait pas la justice ? Pourtant, pourtant... il m’apparait que, même en ayant la bienveillance de prendre pour ce qu’elle est, faible, l’opposition théorique au monde inepte des capitalistes libéraux et qu’on a par conséquent l’hygiène intellectuelle de se ranger aux côtés de ceux qui défendent au moins quelque chose, en pratique, sur le terrain, qui se font tabasser par les dites forces de l’ordre, bien souvent pour leur simple survie, eh bien quelque chose ne me convainc pas quand les brumes et les tambours sont dispersés, car ce je crois que les francais veulent au bout du compte, en se défendant ainsi, pour d'excellentes raisons, c’est reproduire ce schema de coercition interpersonnel, féodal par nature. Je déteste cela au delà de tout, au point de ne plus souhaiter y être né, dans ce merdier et ne plus jamais y retourner. Personne ne cherche aucune concorde à la fin, je crois. C’est disserter qu’on veut, distribuer les bons et les mauvais points, en imposer aux autres et en venir aux mains s’il le faut, car c’est un point d’honneur pour clore le débat du vrai et du juste, et peu importe le sujet tant qu’on a l’ivresse de pouvoir traiter l'autre de sale con. En somme sous cette lumière il y a une grande cohérence sociale. J’ai vu des pauvres dans des hotels pour pauvres, étant pauvres moi même, et aussi des riches dans des hotels de riches, ayant été invité parmi les riches et je n’ai pas vu de différences dans la manière étrangement vulgaire de s’adresser aux autres. J’en sais plus que toi, signifie le français, je renifle ta position dans le bottin mondain, manifeste le français, si tu es en dessous je te méprise, chuchotte le français, je te dis à peine bonjour par conséquent et si tu es au dessus je te méprise autant, râle le français, je vais te dire bonjour mais c’est pour essayer de te faire glisser dans la pente tandis que tu croieras t’être fait un ami. Et ainsi de suite.

Reformulons peut-être, à l’ombre des barricades en fleur. Ce qui différencie essentiellement la société française insoluble dans le capitalisme intégral d’avec mettons la société allemande parfaitement liquidifiée dans les principes définis en Amérique du Nord, pour les funestes raisons qu’on connait, c’est que lorsque tout le monde n’est pas d’accord sur la marche des choses, en France on en profite donc pour se marcher dessus toute la journée tandis qu’en Allemagne cela ne fait pas un pli jusqu’à la prochaine discussion - quoi que celle ci n’aille bien sûr pas très loin sur le fond, cela s’entend (la modernité n’a pas de fond, c’est à cela qu’on la reconnait). En Allemagne on voit par exemple de vieilles personnes bien mises par ailleurs faire les poubelles au millieu des voitures de luxe ou bien complèter leur anuités de retraite à la caisse d’un supermarché parce que faire des enfants n’était pas comptabilisé, zut. Et pourtant personne ne cherche à régler ses comptes au quotidien. Bizarre, bizarre. Serait ce parce que c’est tous des idiots ? Des religieux alors ? Non, c’est juste que, pour le dire simplement, sur des prémisses foncièrement mauvaises, par exemple des retraites de misère ou bien n’importe quelle prestation commune gardée dans un état de pauvreté ridicule quand rapporté aux MONTAGNES d’argent que ce genre de pays fait circuler d’une po(rs)che à l’autre, eh bien il est encore possible d’être équitable les uns avec les autres. C’est pourquoi je préfère encore mourir de faim parmi les gentils ânes, ce qui arrive effectivement, plutôt que défendre constamment mon pain au milieu des tyrans de toutes tailles. French bashing oui, mais avec des couilles.

Cela posé, il ne fait aucun doute que la fusion soudaine des intérêts ultra libéraux dans le corps d’un psychopathe qui a perdu son script ne peut que former un tyran à grande échelle qui sera assurément livré tout cru aux lions pour qu’au moins chacun puisse avoir son exutoire, ce qui est bien agréable; comme est doux, je suppose, ce grand moment de concorde lorsque des footballeurs gagnent la coupe et qu’on embrasse tout le monde autour de soi, au lieu de se torturer à petit feu comme du coutume. Dans cette affaire particulière, qui se reproduira probablement tant qu’aucune bombe atomique ne rasera ce bout de terre, je ne comprends juste pas comment Jupiter le Chien a pu perdre son script. Il s’agissait seulement de raconter une chose et de faire son contraire par derrière, sans publicité particulière, comme il semble faire dans bien des circonstances. Donc par exemple privatiser en douce toutes les caisses de retraite et rendre ensuite très compliqué l’exercice de son droit à la retraite, dont l’age de départ n’aurait évidemment pas changé car c’est un principe et je m’y engage, dit le vendeur de voiture pendant que son assistant déboulonne les coulisses de ce petit théâtre. Au lieu de quoi, le psychopathe a voulu faire le malin, parader, faire le beau au point de devenir lisible pour les gens les moins formés aux raffinements machiavéliques. Ces gens seraient restés à leur place de misère pour peu qu’on leur ait donné au moins de quoi se sentir moins pauvres.

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