necro-poésie
 

Tata Yoyo, un hommage

 

Que faire quand quelqu'un d'aussi sympa disparait sinon rendre hommage comme on peut à ce qu'il y eut de plus sympa dans sa vie, à savoir la très énigmatique chanson nommée Tata Yoyo ?

Voici pour commencer les armoiries de la baronne Belge tels qu'ils existent et existeront pour toujours jusqu'à la fin des fins de la Noblesse sur cette terre. Les hommes passent mais les titres de noblesse restent.

La passion fait la force, nous indique la devise. C'est tout à fait étrange, surtout si nous mettons en rapport cette curiosité d'énonciation avec l'ensemble de l'oeuvre chantée qui s'élèvent ainsi de la bluette ancienne jusqu'à l'épiphanie de ce tata yoyo, comme nous allons brièvement voir.

Qui a été enfant au siècle passé ne peut ignorer quelques images fulgurantes, parmi lesquelles on trouve forcément le couronnement de Bokassa Premier en Centre Afrique et la pétulante Annie Cordy qui envoie du son sous son chapeau champignon, entre autres évènements majeurs. Et comme disait René Descartes auquel il est impossible de ne pas penser, ces éclairs sont si frappants qu'on est en droit de se demander ce qu'il peut bien avoir sous les chapeaux. Voilà à notre avis la ruse et la clé pour comprendre l'oeuvre d'Annie Cordy. Annie Cordy a instillé dans la conscience collective une réfutation in media res des principes idéalistes de Descartes mais cela sans jamais ne donner l'impression de vouloir aborder de manière frontale la question, sauf une fois, dans son plus grand succès, Tata Yoyo. Virevolante et fugace, elle se savait, supposons nous ici, dotée d'un charisme si fort qu'elle pouvait faire verser l'impression débordante de son être là dans une dimension dialectique où chacun était contraint d'interroger sa sensibilité. A la manière de ces mets si sucrés qu'ils finissent par troubler les sens au profit d'un sentiment de salé voire même d'amertume, l'artiste aura su envoyer une pique paradoxale sous la forme d'une chanson qui porte à la fois une interrogation - ce qu'il y a sous le chapeau - et une énonciation assénée avec toute l'énergie dont elle était capable. Ce qu'il y a sous le chapeau nous dit elle dans la chanson ce n'est pas l'entendement mais véritablement la perception dans ce qu'elle a de plus envahissante, au point qu'il n'existe plus d'autre forme d'intellection que ce qui est manifesté. Dans le même temps le propos reste compréhensible et même parfaitement clair. D'où le grand trouble qui envahit généralement le mélomane. Je défie quiconque d'avoir la capacité de déveloper la moindre idée pendant qu'Annie Cordy chante Tata Yoyo à pleine gorge, administrant la preuve d'un vortex sensible où l'espace et le temps sont aspirés, invalidant complètement les conclusions des Médidations Métaphysiques. Sous le chapeau de Tata Yoyo, que vous ne connaissez pas, il y a seulement un grelot et vous connaissez ce grelot, c'est une clochette qui vibre dans votre cervelle jusqu' à l'obsession et de laquelle vous ne pourrez plus jamais vous défaire dès que vous l'avez entendu tinter. L'entendement est annulé, il ne reste que le chapeau d'Annie Cordy et ses oiseaux et son chapeaux et son boa et caetera.

J'aimerais beaucoup pouvoir poursuivre une analyse plus serrée du texte, seulement la présence d'un fort copyright m'empêche d'aller plus loin. Il suffira au fantôme du lecteur d'aller sur internet pour lire et s'imprégner de l'oeuvre. On admirera particulièrement le basculement proprement mozartien qui intervient après le refrain : la question fondammentale est immédiatement suivie d'une énonciation ( "J'ai mon boa, Mon vieux chapeau, Ma robe à fleurs...") qui couvre donc tout l'espace par touches successives plutôt que par l'usage des richesses harmoniques.

Et comme je n'ai pas les moyens de rendre ni le caractère mozartien ni philosophique de l'oeuvre je vais me réconforter maintenant en procédant à une transposition pour un autre instrument.

On chante avec moi, et un, et deux, et trois.

Tata Yoyo, sous ton grand chapeau, de quel paysage de brumes sourdent quels horipaux
Tata Yoyo, sous l'éther là haut bruissent quels abatis de quels oiseaux de pihis
Tata Yoyo, quelle lourde rumeur propage dans le vent ton éternel grelot
-mais que j'aime, et qui m'aime, dans son élan qui pépie
Là bas

Mon bois
Un chapeau
Une fleur comme robe
Une odeur de pipe
aerosol
Le battement d'un cil
Sans boussole jusqu'au
Nadir
Loin du Brésil, sans la baie de Rio
Mon enfant fou mais qui n'a pas faux

Tata Yoyo, sous ton grand chapeau, de quel paysage de brumes sourdent quels horipaux
Tata Yoyo, sous l'éther là haut bruissent quels abatis de quels oiseaux de pihis
Tata Yoyo, quelle lourde rumeur propage dans le vent ton éternel grelot
-mais que j'aime, et qui m'aime, dans son élan qui pépie
Là bas

Le temps trimbale les masques
Le carnaval et les silhouettes
Mon enfant fou
Aux fiers contours de mouette
Filent sur ton passage
Les trous

Tata Yoyo, sous ton grand chapeau, de quel paysage de brumes sourdent quels horipaux
Tata Yoyo, sous l'éther là haut bruissent quels abatis de quels oiseaux de pihis
Tata Yoyo, quelle lourde rumeur propage dans le vent ton éternel grelot
-mais que j'aime, et qui m'aime, dans son élan qui pépie
Là bas

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