ignorance-active ---- 30 Dec 2022
 

Précis de théorie musicale, histoire de la musique et de son interprétation, rien que ça, ni plus ni moins, désolé

 

S'il y a de la musique un peu partout dans l'espace public, disons que c'est parce que la musique n'a aucun sens particulier. Que l’on s'imagine un peu si l'on habillait acoustiquement les supermarchés avec des lectures de romans et de poésie, les lettres furieuses que les tauliers recevraient.

Eh bien c'est ce qu'on va dire pour aller vite, car il faut aller vite. La musique n’a aucun sens particulier et sa description forme un malentendu.

D'un côté l'interprétation populaire autour d’un texte dont le sens est vaguement illustré par de la musique, rythme compris, de l'autre l'interprétation savante de la forme musicale elle-même et entre les deux, des océans de n’importe quoi pénible.

Heureusement, j'arrive.

On va enfin y voir clair.

Arrêter d'avoir honte de n'y rien connaître dans les dîners huppés ou de souffrir de ne pas comprendre le plaisir dit communicatif des danses et des tambourins.

La théorie musicale est bien souvent silencieuse sur ce qu'il y a sous la musique. Levons ce tapis. Il y a sous le phénomène musical, défini simplement comme une expression choisie de hauteurs et de timbres dans le temps d'une exécution, une perception semble t il universelle d'un système mathématique de distribution des sons qui permet d'établir des régularités - et par suite une syntaxe- tout en affirmant par les moyens de la résonance une réalité physique qui donne à l'auditeur ou au musicien l'impression d'un paradoxe complet, probablement le plus grand paradoxe expérimental, à savoir qu'il y a donc tout ensemble une réalité totalement absente, soit la régularité mathématique, et une réalité totalement présente c'est à dire la réalité physique du son.

C'est ce qui fait que, tous systèmes de valeur confondus, la musique la plus simple exprimée par les moyens les plus frustres est à même de produire le même type d'expérience que les musiques les plus savantes exécutées avec une débauche de moyens. Du moins, je ne vois pas à ce mystère d’autres explications, en dehors de mon mauvais goût, bien entendu. Qu’un bout de musique populaire bien exécuté puisse avoir plus de valeur qu’un chef d’oeuvre de composition massacré par des sophistes bourgeois, voilà qui peut témoigner d’une forme de surdité à l’endroit de la forme composée, considérée hors son exécution. Ou alors il y a autre chose que mon mauvais goût. On dirait par exemple que les formes surpassent généralement les œuvres mais qu’en musique parfois le rapport s’inverse, parce que la forme acquiert un caractère descriptible seulement dans l’exécution, par l'œuvre. Ou bien disons qu'en matière de citron pressé, il sort bien plus de jus d'une transcription linguistique que d'une partition.

Tout cela posé la conséquence terrible est que très vraisemblablement toute l'histoire musicale est effacée à chaque fois qu'est correctement exécutée une œuvre musicale. Lorsque des bourreaux loupent l'œuvre alors seulement est-il utile d'ouvrir le manuel des théories et des histoires. Particulièrement, lorsqu'à l'écoute d'une œuvre que l'on apprécie pas on cherchera à déterminer si c'est le gâteau seulement qui est pourri ou l'idée derrière la recette qui ne vaut rien. Nul n' est contraint en effet d'écouter Wagner quand Haydn suffit amplement pour remplir l'espace.

Après si une œuvre est réussie, je soutiens qu'elle se suffit à elle même, pour peu que l'on veuille bien l'entendre, et je soutiens également que les systèmes d'arrangement des sons ne font pas la moindre différence qualitative, pour peu qu'on veuille bien entendre la réalité mathématique qui est toujours comprise dans le prix, pour peu qu'on en ait goût par ailleurs.

Car c'est une autre atrocité de la musique que de constater qu'elle ne sert qu'à ceux qui la perçoivent, c'est à dire à tout le monde dans les grandes lignes et à presque personne quand on s'approche des finesses.

Maintenant exerçons nous au tir. Pourquoi faut il que les savants de la musique terrorisent les débutants si ce n'est pour pérenniser leur situation en réalité très précaire. Pourquoi existe t il des gens pour décréter l'existence d'harmonies cachées (des nombres et des rapport d'on ne sait quoi) si ce n'est pour cacher la misère de leur objet, soit qu'en fait, la musique ne signifie précisément rien en dehors d'elle même, pour peu que etc…. ce que je viens de dire.

Fin de l’exercice de tir. Que les professeurs de tous bords aillent nous jouer de la flute ailleurs.

On peut maintenant passer tranquilement à l'histoire de l'interprétation, semble t il, et il aura été dit tout ce qui suffit sur le sujet.

Toutes les interprétations sont effacées par les interprétations passées. On se doutait bien que cela nous pendait au nez, dans cet ouvrage théorique découpé dans la matière même des fléchettes. La preuve en est que, même avec toute les capacités techniques d'enregistrement, n'importe quelle œuvre de n'importe quelle époque peut se trouver transposée dans le goût interprétatif du moment sans que l'œuvre change de nature. Elle peut certes échapper aux intentions du codeur, mais que je sache sa nature d'œuvre demeure. Réduction d'orchestre à une paire de flûtes, basculement des hauteurs et des vitesses, qu'importe, il reste toujours quelque chose du moment qu'il y a, à la fin, une forme qu'on puisse appréhender.

Ou alors, l'histoire de l'interprétation relèverait du statut du musicien dans le monde disons normal. Selon qu'on est comblé d'égards comme récemment ou tenu pour une sorte de cuisinier spécialisé comme auparavant, il est certain qu'on ne voit pas son art sous le même angle. Pauvre, pauvre musicien. S'adresser aux hommes par des moyens inexistants et pour des fins brumeuses, voilà de quoi constituer un bien fâcheux métier. A son pire ennemi on ne souhaiterait surement pas de devenir musicien je pense. Lors d’une altercation entre deux automobilistes sur le point de s’arracher mutuellement les trippes avec des démonte-pneus, on entendra plus favorablement va donc eh musicien qu’espèce de comptable. A mon avis.

Toutefois soyons clair, il n'est pas totalement exclu que la musique ne soit en réalité la forme d’expression la plus tellurique qui soit. Chaque musicien quelque peu investi sait qu’il existe une sorte de monde perceptif parallèle dans lequel est aspiré tout ceux qui pratiquent les sons architecturés dans le temps. Les raisons de ce phénomène paraissent suspectes ou du moins sont elles proches du paradoxe évoqué plus haut. Le frottement d’un sens mathématique absent avec une réalité physique présente, en somme.

Allons plus loin, tant que j’y suis. Pourquoi en est il ainsi ? Pourquoi ça frotte ? Eh bien voilà j’arrive, c’est simple, tout va être éclairci. Un subtil détour par la théorie du tout facilitera l’introduction du supositoire dans le trou du cul beurré de la vie trop tiède. Si ça frotte, c’est parce que la musique donne à expérimenter une réalité gênante pour ce que nous nommons collectivement la réalité. A savoir que ce que nous nommons la réalité est techniquement un ensemble d’illusions formant consensus à partir de perceptions qui nous échappent de manière constante. En cela on peut supposer que la réalité c’est plutôt la conscience commune d’un système de perceptions, acquis on ne sait pas trop comment, à force d’évolutions brutasses, et à défaut de quoi la vie en société n’est pas possible. En quoi il découle que la capacité de faire sens au dessus de ce système et si possible dans l’ignorance de ce système définit le minimum vital pour n’importe qui et au delà de quoi, c’est la folie. Il faut pouvoir parler de manière intelligible pour en être, des êtres. Maintenant la musique, qu’on l’aime ou pas, existe tout à la fois comme une affirmation et une réfutation de ce système : elle manifeste un système en tant qu’on perçoit d’emblée une organisation inscrite dans une réalité physique mais elle rompt le contrat du sens commun en ceci qu’elle laisse ouverte -tout en la forçant- l’interprétation du percept qui nous échappe. En d’autres termes, elle utilise les moyens du langage à des fins qui vont à l’encontre de celles du langage, qui sont plutôt de fermer en un point du discours la boucle des interprétations. Pour cette raison je pense il y a ceux qui détestent la musique d’un côté et de l’autre un certain nombre d’alumés qui vont percevoir des mondes parallèles. Dans ces conditions, faut il se préoccuper de musique ? N’est ce pas une perte de temps ? La réponse dépend assez des circonstances particulières de vos ennuis. Besoin de mondes parallèles ? Taper un. Envie de discuter seulement du prix du pain ? Taper deux.

Vous avez tapé un.

Mal vous en a pris.

Vous voulez parler de manière intelligible et inintelligible à la fois. Vous voulez suivre des règles de symétrie qui n’ont de sens que dans l’expression légèrement disymétrique. Vous êtes mûr pour la télépathie. Vous souhaitez partir discuter le prix du pain avec un autre socialiste et une fois arrivé dans son salon, vous percevez des symétries dans le papier pain pardon peint de votre ami socialite pardon socialiste. Vous avez soudain l’impression que quelqu’un d’autre parle à votre place lorsque vous alignez les mots qui constituent votre discours tandis que sur des plans montés en strate parallèles, tous organisés selon des series d’ondes, des espaces cognitifs entrent en résonances de couleurs qui finissent par modifier le contour des objets autour de vous, et les objets progressivement se mettent à vibrer les uns par rapport aux autres au rythme de votre respiration, qui s’élargit et s’élargit encore jusqu’à déplacer en vagues successives l’ensemble du monde autour de vous, effaçant les limites entre sujet et objet de votre conscience, laquelle est en train de fondre dans le grand n’importe quoi pardon dans le grand tout, et votre ami est maintenant une spirale autour de son nombril, visible dans le fond de votre verre. Sur le bord du verre vous passez un doigt humide de telle sorte à créer un cosmos en expansion où vous pouvez enfin vous déplacer. Vous voilà arrivé non loin de Jupiter en quelques instant vibrants, vous freinez, vous descendez sur une grande surface plane et métallique, où vous attend un autre ami musicien qui vous demande si parfois vous ne seriez pas musicien, à quoi vous répondez que oui, que ça tombe bien, après quoi arrive un autre musicien et encore un autre, tous amis, tous décus par le séjour parmi les gens du langage, tous vibratoires, tiens voilà Stockhausen, couché à plat ventre et comme enroulé dans un sucre d’orge, que fait il là, vous demandez-vous brièvement, et Thelonious Monk aussi, comme c’est étrange, tous à grogner d’inintellegibles phrases, leurs corps plus ou moins sonores démultipliés et emmêlés à perte de vue dans un desert de lumières et de poussières iridescentes…. Tout cela parce que j’ai écouté un petit menuet ? En effet. C’est un risque à prendre.

Vous avez tapé deux.

Mal vous en a pris.

Vous voilà pris au piège d’un monde où seule la langue que vous avez emprunté à la bibliothèque du coin du bon sens vous permettra d’exprimer quelque chose que vous croyez valoir la peine d’être entendu mais qui malheureusement aura pourri sur place avant que votre salive de bavardeur n’ait fini de sécher sur le buvard des interprétations.

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