Intelligence artificielle selon Gustave Flaubert.
C'est un conseil d'ami pour tous ceux qui avaient la frousse au sujet de l'idiotie avant d'avoir lu Flaubert, Clément Rosset ainsi que pour ceux, souvent les mêmes, qui l'avaient encore, la frousse, après avoir lu Flaubert, Clément Rosset et qui par la suite auraient reçu de l'idiotie générale du monde moderne une augmentation sidérante en conséquence de ladite intelligence prétendument artificielle.
La frousse d'avoir devant soi une infinité de semblables qui, de toutes évidences, y compris sous la torture, perçoivent le réel comme la certitude du même, c'est à dire la certitude d'eux mêmes étayée à toutes forces, selon des moyens souvent prosélytes, par l'ensemble de leur coréligionnaire d'idiotie. Entendons nous, un handicapé historique tel que moi ne saurait écrire le mot idiotie à la légère, en vue de monter dans son petit refuge avec un air de supériorité. Comprenne celui qui aura pratiqué la frousse en question.
Donc désormais la population de ceux qui tournent autour d'eux mêmes et qui auparavant lisaient le journal pour des raisons qui n'avaient pas besoin d'être énoncées, qui parlaient du temps qu'il fait etc, bref tout ce qu'on pourra ranger dans le sac des allegeances molles (et qui fichent la trouille dans ce sens aussi que ça peut tourner au génocide en dix minutes, comme on a pu voir ), cette population absorde bien volontier cette idée que l'intelligence artificielle va dire la vérité.
Et en effet, l'intelligence artificielle va dire la vérité pour qui voudra s'y arrêter. Plus besoin de propagande ensuite, ni d'excuse pour exclure des gens de la cité ou leur retirer des droits si le consensus vient du ciel sous forme d'énoncés. Quelqu'un reçoit une lettre de sa compagnie d'assurance qui cite un texte corrélant l'ensemble des risques pris par l'assuré sur la base des informations connues au sujet de tous ceux qui sont dans la même cohorte que l'assuré, d'où il résulte que le coût porté au contrat triple, la personne le conçoit et s'incline sous le poid de la vérité dite. Bref, je suppose que tous ceux qui ont un intérêt à cette nouvelle forme de coercition vont peser pour qu'elle advienne chez un maximum de malheureux décérébrés.
Alors quoi ma méthode du moins, si elle n'aplanit pas la courbe de la frousse, du moins elle permettra de tirer partie de cette nouvelle situation.
Pour se convaincre qu'on est pas devenu fou, commencer par demander à ces machines d'écrire un texte mettons dans le style de Flaubert. Voyez vous cela, c'est risible. Cependant attention, cela signifie aussi qu'un certain nombre de clients, utilisateurs, esclaves ou je ne sais pas trop comment appeler ces serviteurs modernes, va tout à fait retrouver le style de Flaubert. De la même façon que ceux qui ne lisent plus les livres d'origine vont accepter les livres qui leur en donnera un meilleur jour. A quoi bon se fatiguer ? Maintenant que l'assurance est faite de n'être pas fou, voici la recette pour ne pas le devenir.
On peut supposer que l'expression créative dans le futur sera comparable à l'expression echantillonnée actuelle de la musique populaire si bien qu'il va falloir ajouter à son système de défense comprenant bouchons dans les oreilles et parcours étudié dans la ville, des lunettes à double vue capables de détecter immédiatement les produits frelatés.
Autrefois les froussards pouvaient arpenter le librairies, ouvrir la première page et mesurer immédiatement la distance qui sépare l'auteur de son lui même qui sent la mort ou le pâté pour chat, mais bientôt il faudra donc venir armé.
Je vais travailler à cette machine, c'est promis. Le cool va sangloter, pardon je veux dire, le sang va couler.
En attendant la recette consiste en ceci qu'on pourra prendre un echantillon de n'importe quoi d'écrit qui ressemble de loin à un projet humain puis se demander à quelle question cet écrit cherche à répondre. Formuler cette demande dans la machine à yaourts. Si je n'ai pas le sentiment d'un écart sémantique particulier, alors direction la poubelle. Le temps est regagné. Fin du scroll, fin des trolls et à nous la relecture du catalogue de la redoute 1979.