necro-poésie
 

La philosophie économique à la portée de toutes les bourses

 

Soudain Philippe Mongin est mort. Encore un dont la vie soudain révélée à l'ignorant que je suis éclaire d'un jour nouveau le moment funeste où je réalise que je n'egalerai ni de près ni de loin un homme aussi talentueux.

Tremblons, tremblons car la seule description de sa vie, rédigée avec les mots de tous les jours, risque de scotcher la plupart tout en bas de la côte de l'intellect. Non, apparemment, le paysage de l' intellect n'est pas un horizon le long duquel se déplacerait le regard de l'amateur. Par exemple vous apprenez que le défunt était une sommité dans le domaine de la philosophie de l'économie. Il ne s'agissait pas d'un philosophe d'un peu n'importe quoi comme aura pu dire par exemple de George Pompidou qu'il était un philosophe de l'antichambre psychédélique, non il s'agissait ici d'un philosophe de quelque chose de réputé sérieux : l'économie. D'abord un philosophe c'est quelqu'un qui a fait de solides études de philosophie comme Philippe Mongin. Si vous prenez une seule année de moisson de philosophes en herbe et que vous mettez les philosophes diplômés les uns sur les autres de manière à former une pyramide où la base est constituée de types déjà plus malins que la moyenne mais pas trop futés quand même eh bien tout en haut de la pyramide vous avez Philippe Mongin avec ses lounettes. C'est pour donner une idée du problème de comprenette que pose un type pareil pour le ramassis de non agrégés qui occupe généralement l'espace de tous les jours. Donc, un philosophe, un type qui sait vous expliquer la différence entre par exemple une idée et un concept, et en plus de cela qui est parti en promenade sur le territoire de la science économique pour y donner libre cours à ce genre de super pouvoirs. Vous qui pegnâtes à comprendre l'existence même du rubicks cube de la pensée philosophique, vous voilà confronté à un type qui jongle avec plusieurs dimensions de la réalité tout en faisant tenir en équilibre sur son nez toute une série de réponses à des questions qui sont pour vous totalement irresolues et qui pour vous gisent là à vos pieds comme des cadavres de lamentins informes. Par exemple : pourquoi suis je pauvre alors que je travaille toute la journée ? Pourquoi les gens riches que je croise dans la rue ne me disent pas tous bonjour ? Où est passé l'argent des paradis fiscaux qui manque aux budget de l'état pour financer la réparation des dents qui me manquent ? Pourquoi mon vélo coûte au poid plusieurs dizaines de fois le prix d'une voiture ? Et ainsi de suite.

Alors on va se le nous résumer. Sans quitter l'autoroute de l'ignorance. Donc autrefois on était visiblement très cons car on n'avait pas encore inventé l'économie. On se contentait de s'adonner à la philosophe. La loi de l'offre et de la demande en terme d'idées plutôt qu'en matière de produits. L'art et la matière donc. Cieux vayants, comment l'homme pouvait il se fourvoyer à ce point en ces temps reculés. Comme il en a donc fallu des drames et des guerres pour nous débarrasser une bonne fois pour toute des idées. Et heureusement il y a maintenant la matière. La matière est quantifiée, les relations peuvent donc être tarifées et la propriété c'est la fin finale de tout débat définitif. Pour couper court à tout problème, je monte dans la voiture qui est ma propriété et je crie au viol si quelqu'un ose m'en empêcher. L'absence de ma propriété c'est du viol. Quel formidable progrès que de ne plus avoir à penser, gros, dans ton auto.

Cependant l'absence de pensée ne va pas sans créer des difficultés. C'est ce que des esprits brillants comme le défunt ont donc découvert. On note donc que le défunt s'est illustré dans l'amélioration des problèmes irresolus touchant les cervelles des ci-devant insolvables décérébrés qui vont à vélo. Il a amélioré l'idée selon laquelle le libre exercice des boutiques ne permet pas toujours de créer un bien commun et que pour les cas où ça ne marcherait pas il faut que les types du niveau de Philippe Mongin viennent mettre leur grain de sel dans les affaires des gouvernements qui regardent passer les trains. Ils viennent et ils disent qu'il faut du normatif dans la nature économique naturelle des choses : tous ces gars qui ont tout juste à manger, faut pas les laisser faire, il faut leur trouver un boulot, même un boulot pas terrible. Ils ne peuvent pas rester à trainer là tandis que les autres créent des richesses car, c'est nous qu'on s'imagine, ça finit par faire des désordres. Là dessus ces sommités apportent des calculs avec des équations longues comme le bras pour démontrer que le bonheur sur terre ça va pas le faire si ce trimestre on ne tord pas un peu le bras des boutiquiers pour que la main invisible du commerce distribue moins de gifles ou rende des sous quand elle a fini de faire les poches des inutiles. Parfois même ils descendent parmi les mortels et relatent leur point de vue de vive voix : enchainement de concepts tous plus incroyables les uns ques le autres, silences polis, on s'incline, on passe le bébé à ceux qui seraient en position de comprendre ce que ça peut vouloir dire, ce pouvoir d'achat et ces grands agrégats. Et c'est ainsi que ces bombes intellectuelles, ces mécaniques luisantes et concretes finissent par exploser dans les endroits où s'exercent les derniers pouvoirs politiques puis se dispersent dans l'air qui s'agite autour des présidents, des ministres, des hauts secrétaires et des moyens commisaires sous forme de vocabulaires qui donnent d'emblée une impression de sérieux tourné vers l'action. Qui pourrait être contre ? Le regreté defunt s'en est allé après avoir conseillé Nikolas Zarkosie mais n'a malheureusement pas eu le temps d'achever son oeuvre, pour ce qui me concerne. Malgré la diffusion des nouveaux parfums de réel vrai, mes pieds, je les regarde toujours avec des interrogations qui n'ont rien à voir avec le prix de la chaussure, sa forme ou sa raison d'être.

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